Éloge (mesuré) de l'imperfection (légère).
Posté : 11 sept. 2020, 07:50
YannPk19 a écrit, au sujet de la 140-C Chrezo : "La cabine est très finement détaillée. Manomètres, régulateur, robinet de frein...tout y est. J’en viens à un premier point qui pour moi fait la différence avec un modèle en kit. La plomberie de la devanture est irréprochable, les coudes sont cintrés au compas, les droites à la règle... une devanture montée par un amateur c’est forcément un peu tordu, les coudes pas toujours réguliers...bref un modèle imparfait qui est unique. Ce sera à chacun de s’approprier le modèle avec des personnages Mk35 par exemple."
Ce qui suit ne concerne pas particulièrement cette 140-C, ni le réseau d'Alésia, c'est pourquoi je le place dans la catégorie fourre-tout.
On notera par ailleurs que la phrase citée se borne à constater un fait, et ne comporte aucun jugement de valeur explicite...
De toute façon, Chrezo - ou tout autre fabricant "industriel" - n'a pas le choix : ses lignes de rivets sont parfaites, comme les courbes de ses tuyauteries, pour deux raisons, les techniques employées d'une part (on en parlera plus loin), et le fait que, si ce n'était pas le cas, il se ferait lyncher (moralement !) sur ce forum et ailleurs...
Mais qu'en est-il dans la réalité ?
Je vais rester sur le terrain de la vapeur (je sais, ça commence à passer de mode...) parce c'est celui que je connais le mieux, et parce que ce que je vais évoquer y est bien plus marqué que sur les engins plus récents...
Si la partie technique de ces engins était usinée avec précision, la plomberie et dans une moindre mesure la tôlerie y étaient traitées de façon bien plus artisanale, les cornières cintrées dans la douleur et les rivets posés, sur le dessin, "sur 1240 mm en 11 divisions égales" devaient l'être approximativement... Les parois de tenders sont presque planes, les rambardes presque droites ; rarement tout à fait... Quant à la plomberie, elle évoluait dans le temps au fil des révisions et réparations.
Quelques photos pour illustrer ceci (je me limite aux 5 réglementaires, mais on pourrait les multiplier !).
Prenons un peu de recul avec deux parallèles :
Les visages humains ne sont jamais tout à fait symétriques, et j'ai vu, à côté de la photo d'une personne, des visages parfaitement symétriques reconstitués avec soi la moitié gauche, soit la moitié droite du précédent (doit pas être trop dur de tenter l'expérience avec Photoshop). C'est troublant et assez déplaisant...
Dans le domaine architectural, on a construit, surtout dans la seconde moitié du XIXème siècle ( l'époque de la plupart des gares...), de nombreux édifices néo-romans ou néo-gothiques, toujours désastreux et sentant le faux à plein nez. De même pour les restaurations de cette époque (domaine qui a fait de gros progrès depuis...). Comparer, par exemple, les authentiques clochetons couverts d'écailles qui encadrent la façade de Notre Dame la Grande à Poitiers, à ceux qui surmontent la façade de la cathédrale d'Angoulême, pure invention du restaurateur Abadie (à qui on doit également l'abominable Sacré Cœur).
Au XIIème siècle, les tailleurs de pierre faisaient aussi régulier que possible, avec des moyens encore limités, et l'esthétique s'est dégradée à mesure que cette taille est devenue plus précise et mécanisée. On ne peut pas dire non plus que l'architecture ferroviaire brille par sa souplesse... Gaudi n'a pas construit de gare, et Dali n'a pas réussi à ramollir celle de Perpignan...
(Cette affaire d'esthétique est elle même relative, n'oublions pas que temples grecs et cathédrales étaient à l’origine polychromes, ce qui paraîtrait choquant de nos jours, mais ce n'est pas le lieu pour en débattre...)
Revenons à nos trains : d'abord, nous autres monteurs de kits et autres constructeurs intégraux (quelques dinosaures survivent...) pouvons nous rassurer : prenons exemple sur les tailleurs de pierre du moyen âge, et faisons aussi droit et régulier que nous pouvons. Les inévitables irrégularités restantes donneront un résultat plus réaliste que la stricte rigueur (raideur) "industrielle". Pas la peine de rajouter des défauts, l'excès inverse est vite atteint (je penche personnellement plutôt de ce côté, par maladresse !). Comme pour la patine, mieux vaut rester, si on peut, un peu en deçà de la réalité...
Reste le problème des nouvelles techniques : CAO, DAO, découpe laser, impression 3D. C'est parfait, parfois un peu trop. Un bâtiment en pierre synthétique me semble souvent plus réaliste que le même (hypothétique sans doute) réalisé en découpe laser.
Pour le matériel roulant, ces techniques sont devenues inévitables. Reste, comme il est dit plus haut, des personnages, et aussi la patine -avec modération - qui peut beaucoup.
Pour en revenir, brièvement, à la devanture de la 140-C, à l'origine de ceci, je serais tenté d'araser les "tuyaux " venus de moulage pour les remplacer par de vrais fils - et aussi d'intervenir sur le levier d'ouverture de la porte de foyer et son contrepoids, qui paraissent tenir ensemble un peu par miracle... C'est tout personnel et c'est peu. Mais ça reste hypothétique, car, pour des raisons qu'il n'y a pas lieu de développer ici et qui n'ont rien à voir avec l'évidente qualité de la Chrezo, ce type de machine n'a pas sa place sur mon réseau...
Ce qui suit ne concerne pas particulièrement cette 140-C, ni le réseau d'Alésia, c'est pourquoi je le place dans la catégorie fourre-tout.
On notera par ailleurs que la phrase citée se borne à constater un fait, et ne comporte aucun jugement de valeur explicite...
De toute façon, Chrezo - ou tout autre fabricant "industriel" - n'a pas le choix : ses lignes de rivets sont parfaites, comme les courbes de ses tuyauteries, pour deux raisons, les techniques employées d'une part (on en parlera plus loin), et le fait que, si ce n'était pas le cas, il se ferait lyncher (moralement !) sur ce forum et ailleurs...
Mais qu'en est-il dans la réalité ?
Je vais rester sur le terrain de la vapeur (je sais, ça commence à passer de mode...) parce c'est celui que je connais le mieux, et parce que ce que je vais évoquer y est bien plus marqué que sur les engins plus récents...
Si la partie technique de ces engins était usinée avec précision, la plomberie et dans une moindre mesure la tôlerie y étaient traitées de façon bien plus artisanale, les cornières cintrées dans la douleur et les rivets posés, sur le dessin, "sur 1240 mm en 11 divisions égales" devaient l'être approximativement... Les parois de tenders sont presque planes, les rambardes presque droites ; rarement tout à fait... Quant à la plomberie, elle évoluait dans le temps au fil des révisions et réparations.
Quelques photos pour illustrer ceci (je me limite aux 5 réglementaires, mais on pourrait les multiplier !).
Prenons un peu de recul avec deux parallèles :
Les visages humains ne sont jamais tout à fait symétriques, et j'ai vu, à côté de la photo d'une personne, des visages parfaitement symétriques reconstitués avec soi la moitié gauche, soit la moitié droite du précédent (doit pas être trop dur de tenter l'expérience avec Photoshop). C'est troublant et assez déplaisant...
Dans le domaine architectural, on a construit, surtout dans la seconde moitié du XIXème siècle ( l'époque de la plupart des gares...), de nombreux édifices néo-romans ou néo-gothiques, toujours désastreux et sentant le faux à plein nez. De même pour les restaurations de cette époque (domaine qui a fait de gros progrès depuis...). Comparer, par exemple, les authentiques clochetons couverts d'écailles qui encadrent la façade de Notre Dame la Grande à Poitiers, à ceux qui surmontent la façade de la cathédrale d'Angoulême, pure invention du restaurateur Abadie (à qui on doit également l'abominable Sacré Cœur).
Au XIIème siècle, les tailleurs de pierre faisaient aussi régulier que possible, avec des moyens encore limités, et l'esthétique s'est dégradée à mesure que cette taille est devenue plus précise et mécanisée. On ne peut pas dire non plus que l'architecture ferroviaire brille par sa souplesse... Gaudi n'a pas construit de gare, et Dali n'a pas réussi à ramollir celle de Perpignan...
(Cette affaire d'esthétique est elle même relative, n'oublions pas que temples grecs et cathédrales étaient à l’origine polychromes, ce qui paraîtrait choquant de nos jours, mais ce n'est pas le lieu pour en débattre...)
Revenons à nos trains : d'abord, nous autres monteurs de kits et autres constructeurs intégraux (quelques dinosaures survivent...) pouvons nous rassurer : prenons exemple sur les tailleurs de pierre du moyen âge, et faisons aussi droit et régulier que nous pouvons. Les inévitables irrégularités restantes donneront un résultat plus réaliste que la stricte rigueur (raideur) "industrielle". Pas la peine de rajouter des défauts, l'excès inverse est vite atteint (je penche personnellement plutôt de ce côté, par maladresse !). Comme pour la patine, mieux vaut rester, si on peut, un peu en deçà de la réalité...
Reste le problème des nouvelles techniques : CAO, DAO, découpe laser, impression 3D. C'est parfait, parfois un peu trop. Un bâtiment en pierre synthétique me semble souvent plus réaliste que le même (hypothétique sans doute) réalisé en découpe laser.
Pour le matériel roulant, ces techniques sont devenues inévitables. Reste, comme il est dit plus haut, des personnages, et aussi la patine -avec modération - qui peut beaucoup.
Pour en revenir, brièvement, à la devanture de la 140-C, à l'origine de ceci, je serais tenté d'araser les "tuyaux " venus de moulage pour les remplacer par de vrais fils - et aussi d'intervenir sur le levier d'ouverture de la porte de foyer et son contrepoids, qui paraissent tenir ensemble un peu par miracle... C'est tout personnel et c'est peu. Mais ça reste hypothétique, car, pour des raisons qu'il n'y a pas lieu de développer ici et qui n'ont rien à voir avec l'évidente qualité de la Chrezo, ce type de machine n'a pas sa place sur mon réseau...